Plusieurs mythes circulent sur le rôle qu’aurait joué Marie-Victoire Dussault dans la fortune de la famille Dufresne, bien connue dans l’industrie de la chaussure. Ceux-ci sont entretenus par le roman La Cordonnière de Pauline Gill et par la notice biographique qu’elle a écrite sur Oscar Dufresne dans le Dictionnaire biographique du Canada. Voici quelques-uns d’entre eux.
Le nom de Marie Victoire Dussault apparaît une première fois dans les actes officiels à la suite de la demande d’une séparation de biens, pratique courante à l’époque pour les femmes de marchands ou de petits entrepreneurs (voir notre chronique sur Samuel St-Jean). En 1886, pour sortir son mari Thomas Dufresne des conséquences d’une importante faillite, elle fait une demande de séparation. À cette époque, les femmes séparées des biens de leurs maris sont légalement propriétaires des biens immobiliers (maison, terrain) et des entreprises sans en assumer la direction.
À son arrivée à Montréal, la prétention que Marie Victoire Dussault y aurait fondé la manufacture Dufresne & Fils en 1890 ne tient pas la route, cette entreprise ne figurant ni dans les raisons sociales, ni dans les rôles d’évaluation ou les valeurs locatives.
Le nom de Marie Victoire Dussault comme co-propriétaire d’une manufacture de chaussures est mentionné la première fois lors de la formation de la Pellerin & Dufresne (et non Pellerin & Dussault) vers 1892 avec Georges Pellerin. L’année suivante, elle en sera la seule propriétaire tandis que Thomas Dufresne assure toujours la présidence. Dans tous les actes et contrats impliquant Marie-Victoire Dussault, Thomas Dufresne doit apposer sa signature à la suite de celle de son épouse pour que la transaction soit valide.
En 1896, Marie Victoire Dussault s’associe à Ralph Locke, marchand de cuir, qui devient vice-président alors que son fils Oscar, maintenant majeur, peut assumer la gérance de la manufacture. Lorsque l’entreprise désire s’installer à Maisonneuve pour bénéficier d’un octroi de 10 000 $, ce sont Thomas Dufresne et Ralph Locke qui mènent les négociations, comme en témoigne la correspondance avec le conseil de Maisonneuve. Début 1901, la Pellerin & Dufresne devient la Dufresne & Locke. Lors de la formation de cette société, le rôle de prête-nom pour son mari est très bien décrit dans le contrat : « Dame Marie Victoire Dussault (…), épouse judiciairement séparée de biens (…) de Thomas Dufresne, manufacturier, son époux qui, ici présent, L’AUTORISE aux fins des présentes ».
En septembre 1902, la Dufresne & Locke fournit une liste des salariés habitant à Maisonneuve pour la période allant de septembre 1901 à août 1902. Le nom de Marie Victoire Dussault n’y apparaît pas alors que nous retrouvons ceux de Thomas et Oscar Dufresne et celui de Ralph Locke. À la mort de Marie Victoire en 1908, Thomas Dufresne devient légalement co-propriétaire de l’entreprise.
Image : Marie Victoire Dussault, Musée d'histoire de Montréal
