cultivateurs
Ouvrir une session Ouvrir une session
logo

Atelier d'histoire

Mercier-Hochelaga-Maisonneuve

Cinéma Paradis

m s

Pour plusieurs habitants de Mercier, le croisement des rues Hochelaga et Liébert ne vient pas sans un petit pincement de cœur. L’intersection est dominée par un grand bâtiment, gris et délabré. Sur la façade de la ruine, on peut encore lire, avec nostalgie, les lettres autrefois illuminées du Cinéma Paradis. Sous différents noms, cet espace a été, des années 1950 jusqu’à tout récemment, le lieu favori des cinéphiles du quartier.

Le cinéma est marqué par un véritable boom de construction dans les années de l’après-guerre. Entre 1945 et 1960, les salles se multiplient, au rythme de la croissance économique, la hausse démographique et la naissance de nouveaux quartiers. Rien de mieux pour illustrer cette effervescence que la carrière du jeune architecte Jean-Maurice Dubé, qui se spécialise dans la construction de salles de cinéma. En 1953, il se vante d’en avoir conçu quatorze, en plus de trois autres qui sont encore sur la table à dessin. De ce trio de cinémas à venir, il y a le Capri, destiné à être le premier cinéma de Tétreaultville.

L’année suivante, le Cinéma Capri ouvre ses portes au 8215 Hochelaga. Le bâtiment suit un modèle typique pour ces années. La devanture est couronnée d’une marquise lumineuse, chapeautant le guichet. À l’intérieur, une seule salle de projection, qui compte 678 places. On y présente d’abord des films en anglais, puis, à partir des années 1960, uniquement des films en français.

En 1974, un immigrant italien, Angelo Guzzo, se porte acquéreur du Capri. C’est à ce moment que le nom change, devenant alors le Cinéma Paradis. À ses débuts, le succès du Paradis repose sur le marché des deuxièmes visionnements. Contrairement à aujourd’hui, le public retourne parfois plusieurs fois au cinéma pour revoir un film. Avant l’arrivée du vidéo, c’est un des seuls moyens de revoir un film, à moins d’attendre qu’il soit télédiffusé. Guzzo entreprend aussitôt une reconfiguration complète du cinéma, plus adaptée à cette nouvelle époque. À partir de 1976, le cinéma compte trois salles de 400, 272 et 208 places. C’est le premier cinéma de l’empire Guzzo, qui prend une expansion fulgurante dans la région métropolitaine de Montréal à partir des années 1990, alors que son fils, Vincenzo Guzzo, développe l’entreprise familiale.

En 2009, le Cinéma Paradis ferme ses portes. À l’ère des multiplexes et des services de streaming, le modèle du petit cinéma de quartier n’est tout simplement plus rentable. Depuis la fermeture, le bras de fer entre les Cinéma Guzzo, toujours propriétaires, et la Ville de Montréal, mènent à l’impasse : le bâtiment, toujours debout, porte avec le temps les tristes marques de son abandon.

Auteur : Charles Dorval
Image : Photo du Cinéma Paradis prise en 2021, abandonné depuis 2009. Journal Metro, 6 août 2021 (en ligne)

Paradis 2021 (1)